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ÉCOLE FRANÇAISE. — VIOTTI. 95

faire tourner, quand il en jouissait, au profit de sa gloire et de nos plaisirs, il venait de retrouver ce trésor sans prix, et il allait enfin se fixer en France, lorsque pendant le voyage qu’il fit à Londres, pour y recueillir quelques débris de fortune, la mort l'enleva aux arts et à l’amitié. Il était âgé de 69 ans.

Ouvrage élémentaire commencé par Viotti.

Dans le dernier entretien que nous eûmes avec lui en 1823, il nous parla d’un ouvrage élémentaire qu’il avait commencé[1] : on sait qu’il joignait à une élégance naturelle, au ton de la bonne compagnie qu’il avait toujours fréquentée, beaucoup de facilité dans la manière d’écrire : on peut s’en faire une idée d’après une brochure où il rend compte de ce qu’il éprouva, lorsqu’il entendit chanter le Ranz des Vaches, dans les montagnes de la Suisse. Viotti, à la prière de M. Eymar, le nota et écrivit les lignes qu’on va lire :

Célèbre ranz des Taches.

"Ce Kanz des Vaches, dit-il, n’est ni celui que notre ami J.-J. Rousseau nous a fait connaître dans ses ouvrages, ni celui dont parle M. de la Borde, dans son livre sur la musique."

"Je ne sais s’il est connu de beaucoup de gens : tout ce que je sais, c'est que je l'ai entendu en Suisse, et que je l’ai appris pour ne jamais plus l'oublier. Je me promenais seul, vers le déclin du jour, dans ces lieux sombres où l’on n’a jamais envie de parler : le temps était beau, le vent que je déteste, était en repos : tout était calme, tout était analogue à mes sensations, et je portais dans moi cette mélancolie, qui tous les jours à cette même heure concentre mon âme depuis que j’existe.

"Ma pensée était indifférente à mes idées : elle errait et mes

  1. Un traité didactique sur le violon, écrit par Viotti, avec cet esprit juste, ce sentiment délicat et profond qui le caractérisait, et riche d’exemples composés par lui, doit être du plus grand intérêt : un tel ouvrage serait accueilli par tous les amis de l’art musical avec autant de respect que d’empressement.
    A. Habeneck aîné, dans sa Méthode théorique et pratique du violon, Paris, Graff, a donné des notes en fac-similé de l’écriture de Viotti sur l’enseignement et l’étude de cet instrument.