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mari. — Puisque je suis une méchante femme, dit-elle, alors il faut me tuer ... Tiens, tue-moi ; et elle se dressait avec fierté devant l'aubergiste. Celui-ci ne la tua pas tout de suite, mais il lui donna un épouvantable soufflet, qui la fit courir de nouveau dans son recoin en poussant des hurlements. Pour le coup, le parterre fit entendre de grands éclats de rire ; il commençait à trouver la pièce divertissante, elle devint bientôt sérieuse. Après d'affreuses injures d'une part et des menaces atroces de l'autre, l'aubergiste se serra les reins avec sa ceinture, et roula sa tresse de cheveux autour de sa tête ; c'était le signe d'un coup de main. — Puisque tu veux que je te tue, dit-il à sa femme, hé bien, je vais te tuer. — A ces mots, il prend dans un fourneau de longues pinces en fer, et se précipite avec fureur sur sa femme. Tout le monde se lève aussitôt, on pousse des cris, les voisins accourent, et on cherche à séparer les combattants ; mais on n'y réussit que lorsque l'hôtesse avait déjà toute sa figure ensanglantée et sa chevelure en désordre. Alors un homme d'un certain âge, et qui paraissait avoir quelque autorité dans la maison, prononça gravement quelques paroles en guise d'épilogue. Comment ! dit-il, comment ! un mari et son épouse !... en présence de leurs enfants !... en présence d'une foule de voyageurs ! ! Ces paroles, répétées trois ou quatre fois, avec un ton qui exprimait en même temps l'indignation et l'autorité, eurent un merveilleux effet. Un instant après, les convives continuaient gaiement leur dîner, l'hôtesse faisait frire des gâteaux dans de l'huile de noix, et le chef de famille fumait silencieusement sa pipe.

Quand nous fûmes sur le point de partir, l'aubergiste,