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longs cordons qu'on faisait passer derrière les oreilles, et qu'on nouait ensuite sous le menton. Nous remerciâmes cet excellent Dhéba du plus profond de notre cœur ; car, dans les circonstances où nous nous trouvions, ce cadeau était inappréciable. En traversant la montagne de Loumma-Ri, nous avions eu déjà beaucoup à souffrir de la réverbération de la neige.

En sortant de la ville, nous rencontrâmes, comme en y entrant, les soldats de la garnison, qui attendaient au passage Ly-Kouo-Ngan, pour lui faire le salut militaire. Ces hommes, rangés en file au milieu d'un épais brouillard, et tenant dans la main un sabre qui reluisait dans l'obscurité, avaient quelque chose de si fantastique, que presque tous les chevaux de la caravane en furent épouvantés. Ces saluts militaires se renouvelèrent, sur la route, partout où il y avait des soldats chinois. Ly-Kouo-Ngan en était exaspéré. Comme il ne pouvait, à cause de ses jambes malades, descendre de cheval et y remonter qu'avec de grandes difficultés, ces cérémonies étaient pour lui un véritable supplice. Il avait beau envoyer en avant un de ses soldats pour avertir qu'on ne vint pas lui faire de réception, on n'y mettait que plus d'empressement et un plus grand appareil, car on s'imaginait que c'était par modestie qu'il voulait se soustraire aux honneurs qu'on devait rendre à sa dignité.

A quatre lis loin de Ghiamda, nous traversâmes un large et impétueux torrent, sur un pont formé avec six énormes troncs de sapin, non rabotés, et si mal unis ensemble, qu'on les sentait rouler sous les pieds. Personne n'osa passer à cheval, et ce fut un grand bonheur pour un des