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troupeaux qui étaient répandus aux environs. Ils se portèrent ensuite à la petite lamaserie de la Faculté de médecine. Mais les Lamas avaient aussi disparu, à l'exception des contemplatifs, qui étaient demeurés dans leurs nids suspendus aux flancs des rochers, Les brigands ravagèrent et démolirent tout ce qu'ils rencontrèrent. Ils brûlèrent les idoles de Bouddha, et rompirent les digues ménagées pour faire tourner les tchukor. On voyait encore, trois ans après, les traces de leurs féroces dévastations. Le temple bouddhique, qui s'élevait au pied de la montagne, n'avait pas encore été rebâti. Des ruines noircies par l'incendie, et des tronçons d'idoles à moitié calcinés, étaient disséminés ça et là sur le gazon. Les Lamas contemplatifs furent pourtant épargnés. Sans doute, les brigands trouvèrent trop long, ou trop difficile, d'aller les tourmenter dans leur demeure si haut placée, et presque inaccessible. Les excès auxquels ils s'étaient portés contre les tentes noires, et le temple même de Bouddha, témoignaient assez que s'ils avaient laissé en repos ces pauvres reclus, ce n'était nullement par respect ou par commisération.

Aussitôt que la nouvelle de l'arrivée des brigands fut parvenue à Kounboum, toute la lamaserie fut en insurrection. Les Lamas coururent aux armes, en poussant des cris. Ils se saisirent de tout ce qu'ils rencontrèrent sous leurs mains, dans les premiers mouvements d'exaltation, et se précipitèrent pêle-mêle, et au grand galop, vers la lamaserie de Tchogortan. Mais ils arrivèrent trop tard : les brigands avaient disparu avec tous les troupeaux des Si-Fan, et n'avaient laissé dans la vallée que des ruines fumantes.