Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée

une fête. Nous nous assîmes sur un grand tapis rouge, et bientôt on apporta, de la tente voisine qui servait de cuisine, du thé au lait, avec des petits pains frits dans du beurre, des fromages, des raisins secs et des jujubes.

Après avoir fait connaissance avec la nombreuse société mongole, au milieu de laquelle nous nous trouvions, la conversation s'engagea insensiblement sur la fête des Pains- de-la-Lune. Dans notre pays d'occident, leur dimes-nous, on ne connaît pas cette fête des Pains de-la-Lune ; on n'adore que Jéhovah, créateur du ciel, de la terre, du soleil, de la lune et de tout ce qui existe. — O la sainte doctrine ! s'écria le vieillard, en portant au front ses deux mains jointes. Les Tartares, non plus, n'adorent pas la lune ; ils ont vu les Chinois célébrer cette fête, et ils en suivent l'usage, sans trop savoir pourquoi. — Oui, répondîmes-nous, vous suivez cet usage, et vous ne savez pas pourquoi ! Cette parole est pleine de sens. Voici ce que nous avons entendu dire dans le pays des Kitat. Et alors nous racontâmes, dans cette tente mongole, ce que nous savions de l'épouvantable journée des Yué-Ping. A notre récit, ces figures tartares étaient remplies d'étonnement et de stupéfaction. Les jeunes gens parlaient entre eux à voix basse ; mais le vieillard gardait un morne silence ; il avait baissé la tête, pour cacher de grosses larmes qui coulaient de ses yeux. Frère enrichi d'années, lui dimes-nous, ce récit ne paraît pas te surprendre ; mais il a rempli ton cœur d'émotion. — Saints personnages, dit le vieillard après avoir relevé sa tête et essuyé ses yeux du revers de sa main, cet événement terrible, qui cause un si grand étonnement à cette jeunesse, ne m'est pas inconnu ; mais je