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donnions ce pittoresque délassement, lorsque tout à coup, nous entendîmes derrière nous un bruit confus, tumultueux, et semblable au retentissement désordonné des voiles d'un navire qui sont agitées par des vents contraires et violents. Bientôt nous pûmes distinguer, au milieu de cette tempête, les grands cris que poussait Samdadchiemba. Nous courûmes en toute hâte, et nous arrivâmes fort heureusement avant que le typhon eût décloué et emporté notre louvre. Depuis notre arrivée, le vent, en augmentant de force, avait aussi changé de direction. Il s'était mis à souffler précisément du côté où nous avions tourné l'ouverture de la tente. Un incendie était surtout à craindre, à cause des argols enflammés que le vent poussait de toute part. Il fallut donc aussitôt faire la manœuvre, et chercher à virer de bord. Enfin nous parvînmes à mettre notre tente en sûreté, et nous n'eûmes que la peur et un peu de fatigue pour tout mal. Ce contre-temps avait pourtant rembruni le caractère de notre Samdadchiemba. Il fut d'une humeur détestable pendant toute la soirée ; car le vent avait éteint le feu, et retardé par conséquent la préparation de son thé.

Le vent se calma à mesure que la nuit se faisait, et le temps finit par devenir magnifique. Le ciel était pur, la lune belle, et les étoiles scintillantes. Seuls dans cette vaste solitude, nous n'apercevions dans le lointain que les formes bizarres et indéterminées des montagnes qui se dessinaient à l'horizon comme de gigantesques fantômes. Nous n'entendions que les mille voix des oiseaux aquatiques, qui se disputaient, sur la surface des lacs, l'extrémité des joncs et les larges feuilles de nénuphar. Samdadchiemba n'était pas