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autres, ou à se faire tuer. — Oui, oui, nous sommes bergers, c'est vrai : mais nous n'oublions pas non plus que nous sommes soldats, et que les huit bannières composent l'armée de réserve du Grand-Maître (l'Empereur). Vous savez la règle de l'empire : quand l'ennemi paraît, on envoie d'abord les milices des Kitai. En second lieu, les bannières du pays des Solon se mettent en mouvement. Si la guerre ne finit pas, alors on n'a qu'à donner un signal aux bannières du Tchakar, le bruit de leur marche suffit toujours pour faire rentrer les rebelles dans l'ordre. — Est-ce que, pour cette guerre du midi, toutes les bannières du Tchakar ont été convoquées ? — Oui, toutes. Au commencement, on pensait que c'était peu de chose ; chacun disait qu'on ne toucherait pas au Tchakar. Les milices des Kitat sont parties les premières, mais elles n'ont rien fait ; les bannières des Solon ont aussi marché, mais elles n'ont pu résister aux chaleurs du midi : alors l'Empereur nous envoya sa sainte ordonnance. Chacun courut aussitôt dans les troupeaux saisir son meilleur cheval ; on secoua la poussière dont les arcs et les carquois étaient recouverts ; on gratta la rouille des lances. Dans chaque tente on tua promptement des moutons, pour faire le repas des adieux. Nos femmes et nos enfants pleuraient : mais nous autres, nous leur adressions des paroles de raison. Voilà six générations, leur disions-nous, que nous recevons les bienfaits du Saint-Maître, sans qu'il nous ait jamais rien demandé. Aujourd'hui qu'il a besoin de nous, comment pourrions-nous reculer ? Il nous a donné le beau pays du Tchakar pour faire paître nos troupeaux, et lui servir en même temps de barrière contre les Khalkhas. Maintenant, puisque c'est