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mille détours ; on dirait que tout le haut de la montagne a été soumis à l'action lente et dévastatrice de vers immenses. Quelquefois le granit offre des empreintes profondément creusées, comme si elles eussent servi de moules à des monstres, dont les formes sont encore très-bien conservées.

A la vue de tous ces phénomènes, il nous semblait souvent que nous marchions dans le lit d'une mer desséchée. Tout porterait à croire que ces montagnes ont été, en effet, lentement travaillées par la mer. Impossible d'attribuer tout ce qu'on y voit aux eaux de la pluie, et encore moins aux inondations du fleuve Jaune, qui, si prodigieuses qu'on les suppose, n'arriveraient jamais à une si grande élévation. Les géologues qui prétendent que le déluge a eu lieu par affaissement, et non par une dépolarisation de la terre, trouveraient peut-être, sur ces montagnes, des preuves assez fortes pour étayer leur système.

Quand nous fûmes arrivés sur la crête de ces hautes montagnes, nous aperçûmes à nos pieds le fleuve Jaune, qui roulait majestueusement ses ondes du sud au nord ; il était à peu près midi, et nous espérâmes que le soir même nous pourrions passer l'eau, et aller coucher dans une des auberges de la petite ville de Ché-Tsui-Dzé, que nous découvrions déjà sur le penchant d'une colline, de l'autre côté du fleuve.

Nous mîmes toute la soirée à descendre cette montagne escarpée, choisissant à droite et à gauche les endroits les moins scabreux. Enfin nous arrivâmes avant la nuit sur les bords du fleuve Jaune. Notre passage eut un succès inespéré. D'abord, les Tartares mongols qui étaient en