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M. Andriveau-Goujon, et nous cherchâmes sur quel point nous devions nous diriger, pour éviter ce misérable pays des Alechan, sans pourtant trop nous écarter du but vers lequel nous marchions. D'après l'inspection de la carte, nous ne vîmes d'autre moyen que de traverser de nouveau le fleuve Jaune, de rentrer en dedans de la grande muraille chinoise, et de voyager en Chine à travers la province du Kan-Sou jusque chez les Tartares du Koukou-Noor.

Autrefois cette détermination nous eût fait frémir ; habitués comme nous l'étions à vivre en cachette au milieu de nos chrétientés chinoises, il nous eût paru impossible de nous engager dans l'empire chinois, seuls et sans le patronage d'un catéchiste : alors il eût été pour nous clair comme le jour que notre étranglement, et la persécution de toutes les Missions chinoises, eussent été la suite inévitable de notre téméraire dessein. Telles eussent été nos craintes d'autrefois ; mais le temps de la peur était passé. Aguerris par deux mois de route, nous avions fini par nous persuader que nous pouvions voyager dans l'empire chinois, avec autant de sécurité que dans la Tartarie. Le séjour que nous avions déjà fait dans plusieurs grandes villes de commerce, obligés de traiter par nous-mêmes nos affaires, nous avait quelque peu stylés et rendus moins étrangers aux mœurs et aux habitudes chinoises. Le langage ne nous offrait plus aucun embarras : outre que nous pouvions parler l'idiome tartare, nous nous étions familiarisés avec les locutions populaires des Chinois, chose très-difficile en résidant toujours dans les Missions, parce que les chrétiens s'étudient, par flatterie, à n'employer, devant