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Tons les princes tartares sont pensionnés par l'Empereur ; la somme qu'on leur alloue est peu de chose ; toutefois cette mesure ne laisse pas d'avoir un bon résultat politique. Les princes tartares, en recevant leur solde, se considèrent comme les esclaves, ou du moins comme les serviteurs de celui qui les paie ; l'Empereur, par conséquent, a droit d'exiger d'eux soumission et obéissance. C'est vers l'époque du premier jour de l'an, que les souverains tributaires touchent à Péking la pension qui leur est allouée. Quelques grands Mandarins sont chargés de ces distributions ; les mauvaises langues de l'empire prétendent qu'ils spéculent sur cette fonction lucrative, et qu'ils ne manquent jamais de faire d'énormes profits aux dépens des pauvres Tartares.

Le ministre du roi des Alechan nous raconta, pour notre édification, qu'une certaine année, tous les princes tributaires avaient reçu leur pension en lingots de cuivre argenté. Tout le monde s'en était aperçu, mais chacun avait gardé le silence ; on avait craint de donner de la publicité à une affaire, qui pouvait devenir une grande catastrophe, capable de compromettre les plus grands dignitaires de l'empire, et même les rois tartares. Comme, en effet, ces derniers étaient censés recevoir leurs rétributions des mains mêmes de l'Empereur, s'ils s'étaient plaints, c'eût été en quelque manière accuser le vieux Bouddha, le fils du ciel, d'être un faux monnayeur. Ils reçurent donc leurs lingots de cuivre en se prosternant ; et ce ne fut que de retour dans leurs pays qu'ils dirent ouvertement, non pas qu'on les avait trompés, mais que les Mandarins, chargés de leur distribuer l'argent, avaient été dupes des banquiers