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La nuit était déjà bien avancée ; nous mangeâmes à la hâte et d'excellent appétit la bouillie que Samdadchiemba nous avait préparée ; puis nous nous jetâmes sur nos peaux de bouc, où nous dormîmes d'un paisible et profond sommeil jusqu'au jour.

A notre réveil, nous n'eûmes pas plus tôt jeté un coup d'œil sur les alentours du campement, que nous sentîmes un frisson d'épouvante courir par tous nos membres ; car nous nous vîmes environnés de toute part de puits nombreux et profonds. On nous avait bien dit que nous no trouverions de l'eau qu'à l'endroit appelé les Cent-Puits ; mais nous n'avions jamais pensé que cette dénomination de Cent-Puits dût être prise à la lettre. La veille, comme nous avions dressé notre tente pendant la nuit, nous n'avions pu remarquer autour de nous la présence de ces nombreux précipices ; aussi nous n'avions pris aucune précaution. Pour aller à la recherche de nos animaux égarés, nous avions fait, sans le savoir, mille tours et détours parmi ces abîmes profonds ; et si nous avons pu aller et venir ainsi, pendant une nuit obscure, sans nous y précipiter, nous devons l'attribuer à une protection spéciale de la Providence. Avant de partir, nous plantâmes une petite croix de bois sur le bord d'un de ces puits, en témoignage de notre reconnaissance envers la bonté de Dieu.

Après avoir fait notre déjeuner accoutumé, nous nous mîmes en route. Vers l'heure de midi nous aperçûmes devant nous une grande multitude, qui débouchait d'une étroite gorge formée par deux montagnes escarpées. Nous nous perdîmes longtemps en conjectures, pour tâcher de deviner ce que pouvait être cette nombreuse et imposante