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nous regardions, sans espoir, se consumer dans les flammes cette pauvre tente, notre seul abri contre les intempéries de l'air ! Hélas, nous disions-nous, la tente est certainement perdue! et sans doute, tous les objets qu'elle renfermait sont aussi devenus la proie de l'incendie.

Nous nous dirigeâmes donc tristement vers le lieu où nous avions campé. H nous tardait do voir de près ce grand désastre ; et cependant nous avancions avec lenteur, car nous redoutions aussi d'approcher de cet affreux spectacle, qui allait arrêter nos plans et nous plonger dans des misères de tout genre. A mesure que nous avancions, nous entendions de grands cris ; enfin nous distinguâmes la voix de Samdadchiemba qui semblait appeler au secours. Pensant alors que nous pourrions peut-être sauver quelque chose do l'incendie, nous accourûmes en poussant aussi de grands cris, pour avertir le Dchiahour que nous allions à son aide. Enfm nous arrivâmes au campement, et nous demeurâmes un instant pleins de stupéfaction, en voyant Samdadchiemba tranquillement assis à côté d'un immense brasier, et buvant avec calme de grandes rasades de thé. La tente était intacte, et tous nos animaux étaient couchés aux environs ; il n'y avait pas eu d'incendie. Le Dchiahour, après avoir retrouvé le cheval et le mulet, s'était imaginé qu'ayant été sans doute fort loin, il nous serait difficile de retrouver le campement. A cause de cela, il avait donc allumé un grand feu pour diriger notre marche, et poussé des cris pour nous inviter à revenir. Nous avions tellement cru à la réalité de notre malheur, qu'en revoyant notre tente, il nous sembla passer subitement de la misère la plus extrême au comble de la félicité.