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son admiration ne fut pas capable de lui faire perdre de vue son affaire. Il sauta sur son cheval, et courut vers un troupeau de moutons qu'on voyait onduler sur le penchant d'une colline.

Nous n'avions pas encore terminé notre prière, que nous entendîmes le cavalier revenir au grand galop ; il avait attaché le mouton sur l'arrière de sa selle, en guise de porte-manteau. A peine arrivé à la porte de notre tente, il descendit de cheval ; et dans un clin d'œil, il eut mis sur ses quatre pattes ce pauvre mouton, encore tout étonné de la cavalcade qu'il venait de faire. — Voilà le mouton, nous dit le Lama, est-il beau ? vous convient-il ? — A merveille. Combien veux-tu d'argent ? — Une once, est-ce trop ? — Vu la grosseur de l'animal, le prix nous parut modéré. Puisque tu demandes une once, voici précisément un petit lingot qui a le poids requis. Assieds-toi un instant, nous allons prendre notre petite balance, et tu pourras vérifier si réellement ce morceau d'argent pèse une once ... A ces mots, le Lama fit un pas en arrière, et s'écria en étendant ses deux mains vers nous : En haut, il y a un ciel ; en bas, il y a une terre, et Bouddha est le maître de toute chose ! Il veut que tous les hommes se conduisent ensemble comme des frères ; vous autres, vous êtes de l'occident, moi, je suis de l'orient. Est-ce une raison pour que notre commerce ne soit pas un commerce de franchise et déloyauté ? Vous n'avez pas marchandé mon mouton, je prends votre argent sans le peser. — Excellente manière d'agir, lui dîmes-nous ; puisque tu ne veux pas peser l'argent, assieds-toi pourtant un moment, nous boirons une tasse de thé, et nous délibérerons ensemble sur une petite affaire. —