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Quoiqu'il coûte si peu à nourrir, le chameau est d'une utilité qu'on ne peut concevoir que dans les pays où la Providence le fait naître et multiplier. Sa charge ordinaire va jusqu'à sept ou huit cents livres, et il peut faire ainsi dix lieues par jour. Ceux qu'on emploie pour porter des dépêches, doivent en faire quatre-vingts, mais ils ne portent que le cavalier. Dans plusieurs contrées de la Tartarie, ils traînent les voitures des rois et des princes ; quelquefois aussi on les attelle aux palanquins, mais ce ne petit être que dans les pays plats. La nature charnue de leurs pieds ne leur permettrait pas de grimper des montagnes en traînant après eux des voitures ou des litières.

L'éducation du jeune chameau exige beaucoup de eoins et d'attention. Les huit premiers jours, il ne peut se tenir debout, ni téter, sans le secours d'une main étrangère. Son long cou est d'une flexibilité et d'une faiblesse si grande, qu'il risquerait de se disloquer, si on n'était là pour soutenir sa tête au moment où il cherche les mamelles de la chamelle.

Le chameau, né pour la servitude, semble sentir, dès son premier jour, la pesanteur du joug sous lequel il doit passer sa vie tout entière. On ne voit jamais le chamelon jouer et se divertir comme font les poulins, les veaux et les autres petits des animaux. Il est toujours grave, mélancolique, marchant lentement, et ne hâtant le pas que lorsqu'il est pressé par son maître. Pendant la nuit entière, et souvent pendant le jour, il pousse un cri triste et plaintif comme le vagissement d'un enfant. Il semble toujours se dire que rien de ce qui ressent la joie ou le divertissement n'est fait pour lui, que sa carrière est celle des travaux forcés et des longs jeûnes, jusqu'à la mort.