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Nous étions surtout surpris de n'avoir pas rencontré M. Gabet. D'après les renseignements que nous avait donnés le vieux Lama, nous aurions dû nous être retrouvés depuis longtemps. Samdadchiemba gardait le silence, car il comprenait enfin que nous étions égarés.

Il était important de camper, avant que le ciel fût tout-à-fait noir. Ayant aperçu un puits au fonds d'une gorge, nous allâmes dresser la tente tout auprès. Quand la maison fut dressée et le bagage mis en ordre, il était nuit close, et M. Gabet n'avait pas encore paru. Monte sur un chameau, dit M. Huc à Samdadchiemba, et parcours les environs. ... Le Dchiahour ne répondit pas un mot ; il était abattu et déconcerté. Après avoir fixé un pieu en terre, il y attacha un chameau, puis monta sur l'autre, et s'en alla tristement à la découverte. A peine Samdadchiemba eut-il disparu, que le chameau consigné à la tente, se voyant seul, se mit à pousser de longs et affreux gémissements. Bientôt il entra en fureur : il tournait autour du pieu qui le tenait captif, se retirait en arrière, allongeait le cou, et faisait des efforts comme pour arracher la cheville de bois qui lui traversait le nez. Ce spectacle était effrayant. Il réussit enfin à rompre la corde dont il était attaché, et s'enfuit en bondissant à travers le désert. Le cheval et le mulet avaient aussi disparu : ils avaient faim et soif, et, aux environs de la tente, il n'y avait pas une poignée d'herbe, pas une goutte d'eau. Le puits auprès duquel nous avions campé était entièrement desséché ; c'était une vieille citerne, qui sans doute, avait été creusée depuis plusieurs années.

Ainsi cette petite caravane, qui, durant près de deux mois, avait cheminé sans jamais se séparer dans les vastes