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invocations diaboliques commenceraient, nous nous placerions sans peur et avec autorité en présence du Bokte, et que nous lui interdirions solennellement, au nom de Jésus-Christ, de faire parade de son détestable pouvoir. Nous ne pouvions nous faire illusion sur les suites que pourrait avoir notre démarche ; nous savions qu' elle exciterait certainement la fureur et la haine des adorateurs de Bouddha, et que peut-être une mort violente suivrait de près les efforts que nous pourrions faire pour la conversion des Tartares : mais qu'importe, nous disions-nous ? faisons courageusement notre devoir de Missionnaires ; usons sans peur de la puissance que nous avons reçue d'en haut, et laissons à la Providence tous les soins d'un avenir qui ne nous appartient pas.

Telles étaient nos intentions et nos espérances ; mais les vues de Dieu ne sont pas toujours conformes aux desseins des hommes, lors même que ceux-ci paraissent le plus en harmonie avec le plan de sa Providence. Ce jour-là même, il nous arriva un accident, qui, en nous éloignant de Rache- Tchurin, nous jeta dans les plus cruelles perplexités.

Dans la soirée, le vieux Lama qui faisait route avec nous, nous pria de faire accroupir notre chameau, parce qu'il voulait reprendre son petit bagage. — Frère, lui dîmes-nous, est-ce que nous ne cheminerons pas ensemble jusqu'à la lamaserie de Rache-Tchurin ? — Non, je dois suivre ce sentier que vous voyez serpenter vers le nord, le long de ces collines. Derrière cette montagne de sable, est un endroit de commerce ; aux jours de fête, quelques marchands chinois y colportent leurs marchandises, et y dressent leurs tentes ; étant obligé de faire quelques achats, je