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ce que c'est que cela pour ta grande puissance ? Je sais que tu fais payer bien cher un vase d'eau ; mais n'importe ; fais ce que je te demande, et remplis ce vase que je te présente. Plus tard, nous compterons ensemble. Au jour fixé, tu prendras tout ce qui te revient. » — Il arrive quelquefois que ces formules demeurent sans effet ; alors la prière se change en injures et en imprécations contre celui qu'on invoquait tout à l'heure.

Le fameux sié-fa qui attirait un si grand nombre de pèlerins à la lamaserie de Rache-Tchurin, nous donna la pensée de nous y rendre aussi, et de neutraliser par nos prières les invocations sataniques des Lamas. Qui sait, nous disions-nous, peut-être que Dieu a des desseins de miséricorde sur les Mongols du pays des Ortous ; peut-être que la puissance de leurs Lamas, entravée et anéantie par la présence des prêtres de Jésus-Christ, frappera ces peuples, et les fera renoncer au culte menteur de Bouddha, pour embrasser la foi du christianisme. Pour nous encourager dans notre dessein, nous aimions à nous rappeler l'histoire de Simon le Magicien, arrêté dans son vol par la prière de saint Pierre, et précipité du haut des airs aux pieds de ses admirateurs. Sans doute, pauvres Missionnaires que nous sommes, nous n'avions pas la prétention insensée de nous comparer au prince des apôtres ; mais nous savions que la protection de Dieu, qui se donne quelquefois en vertu du mérite et de la sainteté de celui qui la demande, est due souvent aussi à cette toute-puissante efficacité inhérente à la prière elle-même.

Il fut donc résolu que nous irions à Rache-Tchurin, que nous nous mêlerions à la foule, et qu'au moment où les