Page:Huc - Souvenirs d’un voyage dans la Tartarie, le Thibet et la Chine pendant les années 1844-46, tome 1.djvu/324

Cette page n’a pas encore été corrigée

qu'ils réprouvent secrètement au fond de leur conscience. Ces spectacles diaboliques sont en effet, un moyen infaillible d'attirer une foule d'admirateurs stupides et ignorants, de donner, par ce grand concours de peuple, de la renommée à la lamaserie, et de l'enrichir des nombreuses offrandes, que les Tartares ne manquent jamais de faire dans de semblables circonstances.

S'entr'ouvrir le ventre est un des plus fameux sié-fa (moyen pervers) que possèdent les Lamas. Les autres, quoique du même genre, sont moins grandioses et plus en vogue ; ils se pratiquent à domicile, en particulier, et non pas dans les grandes solennités des lamaseries. Ainsi, on fait rougir au feu des morceaux de fer, puis on les lèche impunément ; on se fait des incisions sur le corps, sans qu'il en reste un instant après la moindre trace, etc. etc. Toutes ces opérations doivent être précédées de la récitation de quelque prière.

Nous avons connu un Lama, qui, au dire de tout le monde, remplissait, à volonté, un vase d'eau, au moyen d'une formule de prière. Nous ne pûmes jamais le résoudre à tenter l'épreuve en notre présence. Il nous disait que, n'ayant pas les mêmes croyances que lui, ses tentatives seraient non-seulement infructueuses, mais encore l'exposeraient peut-être à de graves dangers. Un jour, il nous récita la prière de son sié-fa, comme il l'appelait. La formule n'était pas longue, mais il nous fut facile d'y reconnaître une invocation directe à l'assistance du démon : « Je te connais, tu me connais, disait-il. Allons, vieil ami, fais ce que je te demande. Apporte de l'eau, et remplis ce vase que je te présente. Remplir un vase d'eau, qu'est-