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coutelas qu'il place sur ses genoux. A ses pieds, de nombreux Lamas, rangés en cercle, commencent les terribles invocations de cette affreuse cérémonie. A mesure que la récitation des prières avance, on voit le Bokte trembler de tous ses membres, et entrer graduellement dans des convulsions frénétiques. Les Lamas ne gardent bientôt plus de mesures ; leurs voix s'animent, leur chant se précipite en désordre, et la récitation des prières est enfin remplacée par des cris et des hurlements. Alors le Bokte rejette brusquement l'écharpe dont il est enveloppé, détache sa ceinture, et, saisissant le coutelas sacré, s'entr'ouvre le ventre dans toute sa longueur. Pendant que le sang coule de toute part, la multitude se prosterne devant cet horrible spectacle, et on interroge ce frénétique sur les choses cachées, sur les événements à venir, sur la destinée de certains personnages. Le Bokte donne, à toutes ces questions, des réponses qui sont regardées comme des oracles par tout le monde.

Quand la dévote curiosité des nombreux pèlerins se trouve satisfaite, les Lamas reprennent, avec calme et gravité, la récitation de leurs prières. Le Bokte recueille, dans sa main droite, du sang de sa blessure, le porte à sa bouche, souffle trois fois dessus, et le jette en l'air en poussant une grande clameur. Il passe rapidement la main sur la blessure de son ventre, et tout rentre dans son état primitif, sans qu'il lui reste la moindre trace de cette opération diabolique, si ce n'est un extrême abattement. Le Bokte roule de nouveau son écharpe autour de son corps, récite à voix basse une courte prière, puis tout est fini, et chacun se disperse, à l'exception des plus dévots, qui