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nos paroles, ce vieillard se prosterna, pour nous témoigner sa reconnaissance. Nous fîmes aussitôt accroupir un chameau, et Samdadchiemba ajouta à notre bagage celui du Lama voyageur. Dès que le pèlerin fut déchargé du poids qui pesait sur ses épaules, sa marche devint plus facile, et l'expression du contentement se répandit sur sa figure. « Frère, lui dîmes-nous, nous sommes du ciel d'occident, et les affaires de ton pays nous sont peu familières ; nous sommes étonnés de rencontrer tant de pèlerins dans le désert. — Nous allons tous à Rache-Tchurin, nous répondit-il, avec un accent plein de dévotion. — Une grande solennité sans doute vous appelle à la lamaserie ? » Oui, demain doit être un grand jour. Un Lama bokte fera éclater sa puissance ; il se tuera, sans pourtant mourir. ...» Nous comprimes à l'instant le genre de solennité qui mettait ainsi en mouvement les Tartares des Ortous. Un Lama devait s'ouvrir le ventre, prendre ses entrailles et les placer devant lui, puis rentrer dans son premier état. Ce spectacle, quelque atroce et quelque dégoûtant qu'il soit, est néanmoins très-commun dans les lamaseries de la Tartarie. Le Bokte qui doit faire éclater sa puissance, comme disent les Mongols, se prépare à cet acte formidable par de longs jours de jeûne et de prière. Pendant ce temps il doit s'interdire toute communication avec les hommes, et s'imposer le silence le plus absolu. Quand le jour fixé est arrivé, toute la multitude des pèlerins se rend dans la grande cour de la lamaserie, et un grand autel est élevé sur le devant de la porte du temple. Enfin le Bokte paraît. II s'avance gravement au milieu des acclamations de la foule, va s'asseoir sur l'autel, et détache de sa ceinture un grand