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aperçûmes nos animaux, qui avaient quitté le pâturage et s'étaient réunis sur les bords du ruisseau. Nous pensâmes qu'ils étaient tourmentés par la soif, et que la rivière étant gelée, ils ne pouvaient se désaltérer. Nous nous dirigeâmes de leur côté, et nous vîmes en effet les chameaux qui léchaient avec avidité la superficie de la glace, tandis que le cheval et le mulet frappaient le rivage de leur dur sabot. La hache que nous avions emportée pour faire des fagots nous servit à rompre la glace, et à creuser un petit abreuvoir, où nos animaux purent étancher la soif dont ils étaient dévorés.

Sur le soir, le froid ayant repris toute son intensité, nous adoptâmes un plan qui pût nous permettre de dormir un peu mieux que la nuit précédente. Jusqu'au matin, le temps fut divisé en trois veilles, et chacun de nous fut chargé tour à tour d'entretenir un grand feu dans la tente, pendant que les autres dormaient. De cette manière, nous sentîmes peu le froid, et nous pûmes reposer en paix, sans crainte d'incendier notre maison de toile.

Après deux journées d'un froid terrible, le vent se calma insensiblement, et nous songeâmes à poursuivre notre route. Ce ne fut pas sans peine que nous réussîmes à mettre bas notre tente. Le premier clou que nous essayâmes d'arracher cassa comme verre, sous les coups de marteau. Le terrain sablonneux et humide, sur lequel nous avions campé, était tellement gelé, que les clous y adhéraient, comme s'ils eussent été incrustés dans la pierre. Pour pouvoir les déraciner, il fallut les arroser d'eau bouillante à plusieurs reprises.

Au moment du départ, la température était tellement