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périr, jamais nos animaux n'eussent rencontré un si beau festin. Après nous être longuement rassasiés de la poésie de notre miraculeuse position, nous cédâmes au besoin de prendre du repos, et nous nous couchâmes sur un Khang bien chauffé, qui nous fit oublier le froid terrible que nous avions enduré pendant la tempête.

Le lendemain, pendant que Samdadchiemba mettait à profit ce qui restait encore des tiges de chanvre, et achevait de faire sécher notre bagage, nous allâmes visiter en détail les nombreux souterrains de la montagne. A peine eûmes-nous fait quelques pas, quel ne fut pas notre étonnement, lorsque nous vîmes sortir de grands tourbillons de fumée, par la porte et les fenêtres d'une grotte qui avoisinait notre demeure. Comme nous pensions être seuls dans le désert, la vue de cette fumée nous jeta dans une surprise mêlée d'épouvante. Nous dirigeâmes nos pas vers l'ouverture de cette caverne, et lorsque nous fûmes parvenus sur le seuil de la porte, nous aperçûmes dans l'intérieur un grand feu de tiges de chanvre, dont la flamme ondoyante atteignait jusqu'au haut de la voûte ; on eût presque dit un four chauffé avec activité. En regardant attentivement, nous remarquâmes comme une forme humaine, qui se mouvait au milieu d'une épaisse fumée ; bientôt nous entendîmes le salut tartare ... — Mendou ! nous cria une voix vibrante et sonore ; venez vous asseoir à côté du brasier ... Nous nous gardâmes bien d'avancer. Cet antre de Cacus, cette voix humaine, tout cela avait quelque chose de trop fantastique. Voyant que nous demeurions immobiles et silencieux, l'habitant de cette espèce de soupirail de l'enfer, se leva et s'avança sur le seuil de la porte. Ce n'était ni un diable, ni