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Quelquefois ces pauvres Mongols, après des fatigues incroyables parmi d'affreux déserts, finissent par tomber entre les mains des brigands de la mer Bleue, qui les détroussent des pieds à la tête. S'ils ne meurent pas de faim et de froid, au milieu de ces épouvantables solitudes, s'ils peuvent retourner jusqu'à l'endroit d'où ils sont partis, ils recommencent les préparatifs d'un nouveau voyage ; rien n'est jamais capable de les décourager. Enfin quand, à force d'énergie et de persévérance, ils ont pu parvenir au sanctuaire éternel, ils vont se prosterner devant l'enfant qui leur a été désigné. Le jeune Chaberon n'est pourtant pas salué et proclamé grand Lama, sans un examen préalable. On tient une séance solennelle, où le Bouddha-vivant est examiné devant tout le monde, avec une attention scrupuleuse ; on lui demande le nom de la lamaserie dont il prétend être le grand Lama, à quelle distance elle est, quel est le nombre des Lamas qui y résident. On l'interroge sur les usages et les habitudes du grand Lama défunt, et sur les principales circonstances qui ont accompagné sa mort. Après toutes ces questions, on place devant lui les divers livres de prières, des meubles de toute espèce, des théières, des tasses, etc. Au milieu de tous ces objets il doit démêler ceux qui lui ont appartenu dans sa vie antérieure.

Ordinairement cet enfant, âgé tout au plus de cinq ou six ans, sort victorieux de toutes ces épreuves. Il répond avec exactitude à toutes les questions qui lui ont été posées, et fait sans aucun embarras l'inventaire de son mobilier. — Voici, dit-il, les livres de prières dont j'avais coutume de me servir ... Voici l'écuelle vernissée dont