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tout vivait pêle-mêle dans l'ordure ; ces demeures étaient bien loin de valoir les tentes mongoles, où du moins l'air n'est pas empesté par la présence des bœufs et des moutons.

La terre sablonneuse que cultivent ces pauvres gens, à part quelque peu de sarrasin et de petit millet, ne produit guère que du chanvre, mais il est d'une grosseur prodigieuse. Quand nous passâmes, quoique la récolte fût déjà faite, nous pûmes pourtant juger de la beauté de la tige, par ce qui en restait dans les champs. Les cultivateurs des Ortous n'arrachent pas le chanvre, quand il est mûr, comme cela se pratique en Chine ; ils le coupent à ras de terre, de manière à laisser une souche grosse d'un pouce de diamètre. Pour traverser ces vastes champs de chanvre, nos chameaux eurent beaucoup à souffrir : ces souches nombreuses, qu'ils rencontraient continuellement sous leurs larges pieds, les forçaient à exécuter des danses bizarres et bien capables d'exciter notre hilarité, si nous n'eussions eu la crainte de les voir se blesser à chaque pas. Au reste, ce qui contrariait si fort la marche de nos chameaux devint pour nous d'un grand secours ; quand nous eûmes dressé la tente, ces résidus de chanvre nous fournirent un facile et abondant chauffage.

Bientôt nous rentrâmes dans la Terre des herbes, si toutefois on peut donner ce nom à un pays stérile, sec et pelé comme celui des Ortous. De quelque côté que l'on porte ses pas, on ne rencontre jamais qu'un sol désolé et sans verdure, des ravins rocailleux, des collines marneuses et des plaines encombrées d'un sable fin et mobile, que l'impétuosité des vents balaie de toute part ; pour tout pâturage,