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inviter à nous diriger vers eux. Le batelier n'était pas de cet avis ; il lui en coûtait d'abandonner la bonne route dans laquelle il avait, disait-il, eu le bonheur de s'engager. Nous insistâmes, et il rama enfin, quoique à regret, vers la caravane qui paraissait engagée dans un mauvais pas.

Samdadchiemba était violet de colère ; aussitôt que nous fûmes arrivés, il commença par invectiver contre le batelier. — Est-ce que tu as eu dessein du nous faire tous noyer, lui cria-t-il ? tu m'as donné un guide qui ne connaît pas la route. Vois, nous sommes environnés de gouffres sans en connaître la profondeur ... Les animaux, en effet, ne voulaient ni avancer ni reculer ; on avait beau les frapper, c'était peine perdue, ils demeuraient toujours immobiles. Le batelier décocha quelques malédictions horribles à son associé... Puisque tu ne connais pas la route, tu aurais dû le dire par avance. Il n'y a pas d'autre moyen, il faut retourner à la cabane, tu diras à ton cousin de monter le cheval, il sera meilleur conducteur que toi.

Aller à terre chercher un bon guide était sans contredit le parti le plus sûr, mais il n'était pas facile ; les animaux étaient tellement effrayés au milieu de cette immense mare d'eau, qu'il était impossible de les faire avancer. Le jeune guide ne savait plus où donner de la tête ; il avait beau frapper le cheval, lui tourner et retourner le mors dans la bouche, le cheval se cabrait, faisait bondir l'eau autour de lui, mais c'était tout, il ne faisait pas un pas. Ce jeune homme qui n'était pas plus habile cavalier que bon guide, finit par perdre l'équilibre ; et plongea du haut de son cheval dans le bassin ; il disparut un instant, et nous laissa dans une terrible consternation. 11 remonta pourtant,