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n'avions devant nos yeux qu'une vaste étendue d'eau croupissante ; les herbes aquatiques qui flottaient à la surface nous avaient donné le change. Alors il fallait rebrousser chemin, tenter de nouvelles voies, essayer de toutes les directions, sans jamais trouver un terme à nos misères. Partout des eaux stagnantes ou des bourbiers affreux, toujours frissonnant de crainte et tremblant à chaque pas de rencontrer quelque gouffre.

Bientôt nos animaux effrayés, et accablés de fatigue, n'eurent plus ni la force ni le courage d'avancer ; alors il fallut user de violence, les frapper à coups redoublés, et pousser de grands cris pour les ranimer. Quand leurs jambes venaient à s'entrelacer parmi les plantes marécageuses, ils n'allaient plus que par bonds et par soubresauts, au risque de précipiter bagages et cavaliers dans des eaux bourbeuses et profondes. La Providence, qui veillait sur ses Missionnaires, nous préserva toujours de ce malheur ; trois fois seulement le plus jeune de nos chameaux perdit l'équilibre et se renversa sur les flancs ; mais ces accidents ne servirent qu'à nous faire admirer davantage la protection dont Dieu nous entourait. La chute eut toujours lieu dans les rares endroits où le sol était un peu sec ; si le chameau se fût abattu par malheur au milieu des marais, il eût été absolument impossible de le relever, et il serait mort suffoqué dans la fange.

Dans cet affreux pays, nous rencontrâmes trois voyageurs chinois ; ils avaient fait de leurs souliers et de leurs habits un petit paquet qu'ils portaient sur leurs épaules. Appuyés sur un long bâton, ils s'en allaient péniblement à travers les marécages. Nous leur demandâmes dans quelle