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mal assuré sur ses jambes, et s'abandonnant aux brusques mouvements de la barque, paraissait nous menacer d'une catastrophe. Samdadchiemba par bonheur s'en approcha avec adresse, et le fit tout doucement accroupir ; enfin, ayant eu la peur pour tout mal, nous arrivâmes de l'autre côté du fleuve.

Au moment du débarquement, le cheval impatient de se retrouver à terre, s'élança d'un bond hors de la barque ; mais s'étant heurté à un aviron, il alla tomber sur ses flancs au milieu de la vase. Le terrain n'était pas encore sec ; nous fûmes obligés de nous déchausser, et de transporter le bagage sur nos épaules, jusqu'à un monticule voisin ; là nous demandâmes aux bateliers si nous en avions encore pour longtemps avant d'avoir traversé les marécages et les bourbiers que nous apercevions devant nous. Le patron leva la tête, et, après avoir considéré un instant le soleil, il nous dit : Il sera tantôt midi ; ce soir vous arriverez au bord de la petite rivière, demain vous trouverez la terre sèche. Ce fut sur ces tristes données, que nous nous mîmes en route, dans le pays le plus détestable qu'un voyageur puisse peut-être rencontrer en ce monde.

On nous avait indiqué la direction que nous avions à suivre ; mais l'inondation ayant détruit tout chemin et tout sentier, nous ne pouvions régler notre marche que sur le cours du soleil, autant que les marécages et les fondrières nous le permettaient. Quelquefois nous faisions péniblement de longs détours pour parvenir à des endroits que nous apercevions verdir au loin, et où nous espérions trouver un terrain moins vaseux ; mais nous nous trompions souvent. Quand nous avions gagné le lieu tant désiré, nous