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e est mauvaise ; il faut que nous endurions beaucoup de misère pour bien peu de chose. Nous allons ramer pendant cinq lis, et au bout du compte nous aurons mille et cinq cents sapèques à partager entre huit. — Mille et cinq cents sapèques, dîmes-nous ? ceci est une moquerie ; nous partons... ; et nous rebroussâmes chemin pour la seconde fois. Des entremetteurs, personnages inévitables dans toutes les affaires chinoises, se présentèrent et se chargèrent de régler le prix. Il fut enfin décidé que nous dépenserions huit cents sapèques : la somme était énorme ; mais nous n'avions pas d'autre moyen de poursuivre notre route. Ces bateliers le comprenaient ; aussi tirèrent-ils le meilleur parti possible de notre position.

L'embarquement se fit avec une remarquable activité, et bientôt nous quittâmes le rivage. Pendant que nous avancions à force de rames sur la surface du lac, un homme monté sur un chameau, et tirant les deux autres après lui, suivait le chemin tracé par une petite enbarcation que gouvernait un marinier. Celui-ci était obligé de sonder continuellement la profondeur de l'eau, et le chamelier devait être très-attentif à diriger sa marche dans l'étroit sillage de la nacelle conductrice, de peur d'aller s'engloutir dans les gouffres cachés sous l'eau. On voyait les chameaux avancer à petits pas, dresser leur long cou, et quelquefois ne laisser apercevoir au-dessus du lac que leurs têtes et les extrémités de leurs bosses. Nous étions dans une continuelle anxiété ; car ces animaux ne sachant pas nager, il eût suffi d'un mauvais pas pour les faire disparaître au fond de l'eau.

Grâce à la protection de Dieu, tout arriva heureusement à la digue