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fâcheuses nouvelles qu’il apportait. — Mes Pères spirituels, dit-il, les choses sont mauvaises ; tout est perdu, il n’y a plus rien à attendre ; dans le royaume de Naiman, il n’existe plus de chameaux de la sainte Église. Le Lama, sans doute, a été tué ; à mon avis, le diable est pour beaucoup dans cette affaire.

Les doutes et les craintes font souvent plus souffrir que la certitude du mal. Ces nouvelles, quoique accablantes, nous tirèrent de notre perplexité, sans changer en rien le plan que nous avions arrêté. Après avoir subi les longues condoléances de nos chrétiens, nous allâmes nous coucher, bien persuadés que cette nuit serait enfin celle qui précèderait notre vie nomade.

La nuit était déjà bien avancée, lorsque, tout à coup, des voix nombreuses se firent entendre au dehors ; des coups bruyants et multipliés ébranlaient la porte de notre habitation. Tout le monde se lève à la hâte ; notre jeune Lama, les chameaux, tout était arrivé ! ce fut comme une petite révolution. L’ordre du jour fut spontanément changé. Ce ne serait plus le lundi qu’on partirait, mais bien le mardi ; ce ne serait pas en charrette, mais bien avec des chameaux, et tout-à-fait à la manière tartare. On alla donc se recoucher avec enthousiasme, mais on se garda bien de dormir ; chacun de son côté dépensa les rapides heures de la nuit à former des plans sur le plus prompt équipement possible de la caravane.

Le lendemain, tout en faisant les préparatifs pour le départ, notre Lama nous donna les raisons de son inexplicable retard. D’abord il avait éprouvé une longue maladie ; ensuite il avait été longtemps à la poursuite d’un cha-