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nous présentâmes à la porte, et nous priâmes très-humblement tous nos frères les forgerons de vouloir bien nous indiquer une auberge. D'abord on se permit quelques railleries sur les Tartares et sur les chameaux ; puis un garçon de la forge alluma une torche et sortit pour nous trouver un gîte.

Après avoir longtemps frappé et appelé à une première auberge, un homme se décida enfin à paraître. Il entr'ouvrit sa porte et se mit à parlementer avec notre guide. Malheureusement, pendant ce temps-là, un de nos chameaux, vexé par un chien qui lui mordait les jambes, s'avisa de pousser un grand cri. L'aubergiste leva la tête, jeta un coup d'œil sur la pauvre caravane et referma soudain sa porte. Dans toutes les auberges où nous nous adressâmes, nous fûmes accueillis à peu près de la même manière. Aussitôt qu'on s'apercevait qu'il était question de loger des chameaux, on nous répondait, sans tergiverser, qu'il n'y avait pas de place. C'est que ces animaux sont, en effet, d'un grand embarras dans les auberges, et souvent la cause de grands désordres. Leur forme colossale et bizarre épouvante tellement les chevaux, que souvent les voyageurs chinois, en entrant dans une hôtellerie, posent la condition qu'on n'y recevra pas de caravane tartare. Notre guide, ennuyé de voir tous ses efforts inutiles, nous souhaita une bonne nuit et s'en retourna dans sa forge.

Nous étions brisés de faim, de soif et de fatigue ; car il y avait longtemps que nous allions et venions au milieu d'une obscurité profonde, parcourant toutes les rues, sans trouver un endroit où nous pussions prendre un peu de