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de plus en plus bas et noir. Point de lune, point même d'étoiles pour éclairer un peu notre marche. Il nous semblait que nous marchions dans un ténébreux chaos et parmi des abîmes. Nous prîmes le parti d'aller à pied, dans l'espoir de voir un peu plus clair. Mais ce fut le contraire : nous faisions quelques pas lentement et comme à tâtons, puis, tout à coup, nous nous rejettions en arrière, de peur de heurter des montagnes ou de hautes murailles, qui paraissaient sortir subitement d'un abîme et se dresser devant nos yeux. Bientôt nous fûmes ruisselants de sueur, et contraints de remonter sur nos animaux, dont la vue était plus sûre que la nôtre. Par bonheur que les charges de nos chameaux étaient solidement attachées. Quelle misère si, au milieu de ces ténèbres, les bagages eussent chaviré, comme il arrivait souvent pendant les premiers jours de notre voyage !

Nous arrivâmes à Tchagan-Kouren, sans pour cela voir diminuer encore notre embarras. Nous étions dans une grande ville ; les auberges devaient y être nombreuses, mais où aller les chercher ? Toutes les portes étaient fermées et personne dans les rues. Les chiens nombreux qui aboyaient et couraient après nous étaient les seuls indices que nous étions dans une ville habitée, et non pas dans une nécropole. Enfin, après avoir parcouru au hasard plusieurs rues désertes et silencieuses, nous entendîmes de grands coups de marteau résonner en cadence sur une enclume. Nous nous dirigeâmes de ce côté, et bientôt une grande lueur, une fumée épaisse, et des projectiles embrasés qui jaillissaient dans la rue, nous annoncèrent que nous avions fait la découverte d'une boutique de forgerons. Nous