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pays que nous parcourions était toujours dépendant du Toumet occidental. Nous retrouvâmes partout les mêmes marques d'aisance et de prospérité, que nous avions remarquées à l'orient de la ville. De tous côtés c'étaient de nombreux villages, avec tout leur accompagnement de la vie agricole et commerciale. Quoiqu'il ne nous fût pas possible de dresser la tente au milieu des champs cultivés, nous voulûmes pourtant, autant que les circonstances le permettaient, nous retremper dans nos habitudes tartares. Au lieu d'entrer dans une hôtellerie pour prendre le repas du matin, nous allions nous asseoir sous un arbre ou au pied d'un rocher, et là nous déjeûnions avec quelques petits pains frits à l'huile, dont nous avions fait provision à la Ville-Bleue. Les allants et les venants riaient volontiers, en voyant cette manière de vivre un peu sauvage ; mais au fond il n'étaient nullement surpris. Les Tartares, peu accoutumés aux mœurs des peuples civilisés, ont le droit de faire leur cuisine au milieu des chemins, même dans les pays où les auberges sont le plus multipliées.

Pendant la journée, cette façon de voyager n'avait aucun inconvénient ; mais comme il n'eût pas été prudent de passer la nuit dans la campagne, au soleil couché nous nous retirions dans une hôtellerie. Le soin de nos animaux, d'ailleurs, l'exigeait impérieusement. Ne trouvant rien à brouter dans la route, nous ne pouvions nous dispenser de leur acheter du fourrage, sous peine de les voir bientôt tomber d'inanition.

Le second jour après notre départ de la Ville-Bleue, nous rencontrâmes, dans l'auberge où nous passâmes la nuit, un singulier personnage. Nous venions de décharger