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faire l'acquisition de quelques habits d'hiver. Après avoir consulté la maigreur de notre bourse, nous nous arrêtâmes à la résolution d'aller nous habiller dans une friperie, et de nous accommoder de vieux habits. En Chine et en Tartarie, on n'éprouve pas la moindre répugnance à se servir des vêtements d'autrui. Ceux qui ont à faire une visite d'étiquette, ou à se rendre à quelque fête, vont sans façon chez le voisin, lui emprunter tantôt un chapeau, tantôt une culotte, tantôt des souliers ou des bottes ; personne n'est étonné de ces emprunts ; ils sont consacrés par l'usage. En se prêtant mutuellement les habits, on n'éprouve qu'une seule crainte, c'est que l'emprunteur ne les vende pour payer ses dettes, ou n'aille, après s'en être servi, les déposer au Mont de-Piété. De plus, ceux qui ont besoin d'habits en achètent de vieux ou de neufs indifféremment. Dans ces circonstances, la question du bon marché est la seule qui soit prise en considération ; on ne fait pas plus de difficulté de se loger dans la culotte d'autrui, qu'on n'en fait pour habiter une maison qui a déjà servi.

Cette coutume, de se revêtir des habits du prochain, était peu conforme à nos goûts ; elle nous répugnait d'autant plus que, même depuis notre arrivée dans la Mission de Si-Wang, nous n'avions jamais été obligés de changer en cela nos vieilles habitudes. Cependant la modicité de notre viatique nous fit une obligation de passer par-dessus cette répugnance. Nous allâmes donc tâcher de nous habiller dans une friperie. Il n'est pas de petite ville où l'on ne rencontre de nombreux magasins de vieux habits, provenant ordinairement des Monts-de-Piété (Tang-Pou). De tous ceux qui empruntent sur gages, il en est fort peu qui puissent