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contenir ; il se figurait qu'elles étaient remplies de précieuses marchandises, dont il ferait aisément le monopole. Il y avait déjà près d'une heure que nous allions dans tous les sens, et nous n'arrivions jamais à cette auberge qu'on nous promettait avec tant d'emphase. — : Nous sommes fâchés, dîmes-nous à notre conducteur, de te voir prendre tant de peine, si encore nous savions clairement où tu nous mènes. — Laissez-moi faire, laissez moi faire, Messeigneurs, je vous conduis dans une bonne, dans une excellente auberge ; ne dites pas que je me donne beaucoup de peine, ne prononcez pas de ces paroles. Tenez, ces paroles me font rougir ; comment, est-ce que nous ne sommes pas tous frères ? Que signifie cette différence de Tartares et de Chinois ? La langue n'est pas la même, les habits ne se ressemblent pas ; mais nous savons que les hommes n'ont qu'un seul cœur, une seule conscience, une règle invariable de justice... Tenez, attendez-moi un instant, dans un instant je suis auprès de vous, Messeigneurs..., et il disparut comme un trait dans une boutique voisine. Il revient bientôt, en nous faisant mille excuses de nous avoir fait attendre. — Vous êtes bien fatigués, n'est-ce pas? oh ! cela se conçoit ; quand on est en route, c'est toujours comme cela. Ce n'est jamais comme quand on se trouve dans sa propre famille. —Tandis qu'il parlait ainsi, nous fûmes acostés par un autre Chinois ; il n'avait pas la figure joyeuse et épanouie du premier ; il était maigre et décharné ; ses lèvres minces et pincées, ses petits yeux noirs enfoncés dans leurs orbites donnaient à sa physionomie une expression remarquable de rouerie. — Seigneurs Lamas, nous dit-il, vous êtes donc arrivés aujourd'hui? c'est bien,