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Samdadchiemba nous avait souvent parlé de sa dextérité de boucher ; aussi était-il ivre de joie : il brûlait de nous montrer son savoir-faire. Après avoir suspendu le chevreuil à une grosse branche de pin, aiguisé son couteau sur un clou de la tente, et retroussé ses manches jusqu'au coude, il nous demanda si nous voulions dépecer le chevreuil à la turque, à la chinoise ou à la tartare. N'ayant aucune raison suffisante pour préférer une manière plutôt qu'une autre, nous laissâmes à Samdadchiemba la liberté de suivre l'impulsion de son génie. Dans un instant il eut écorché et vidé l'animal ; puis il détacha les chairs tout d'une pièce, sans séparer les membres, ne laissant suspendu à l'arbre qu'un squelette avec ses os parfaitement nettoyés. C'était la méthode turque ; on en use souvent dans les longs voyages, afin de ne pas se charger du transport inutile des ossements.

Aussitôt que l'opération fut terminée, Samdadchiemba détacha quelques tranches de notre grande pièce de venaison, et les mit frire dans de la vieille graisse de mouton. Cette manière de préparer du chevreuil n'était peut-être pas très-conforme aux règles de l'art culinaire ; mais la difficulté des circonstances ne nous permettait pas de mieux faire. Notre gala fut bientôt prêt ; mais, contre notre attente, nous ne pûmes avoir la satisfaction d'être les premiers à en goûter. Déjà nous étions assis en triangle sur le gazon, ayant au milieu de nous le couvercle de la marmite qui nous servait de plat, lorsque tout à coup, voilà que nous entendons comme un ouragan fondre du haut des airs sur nos têtes. Un grand aigle tombe comme un trait sur notre souper, et se relève avec la même rapidité,