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de la Chine par les Mantchous. Quand Chun-Tché (1)[1], fondateur de la dynastie actuellement régnante en Chine, descendait des forêts de la Mantchourie, pour marcher sur Péking, il rencontra sur sa route un Lama du Thibet, qu'il consulta sur l'issue de son entreprise. Le Lama lui promit plein succès. Chun-Tché lui dit alors de le venir trouver quand il serait à Péking. Après que les Mantchous se furent rendus maîtres de la capitale de l'empire, le Lama thibétain ne manqua pas de se trouver au rendez-vous. L'Empereur reconnut celui qui lui avait tiré un bon horoscope ; et pour lui en témoigner sa reconnaissance, il lui alloua une vaste étendue de terrain pour construire une lamaserie, et des revenus pour l'entretien de mille Lamas. Depuis cette époque la lamaserie des mille Lamas a pris du développement, et aujourd'hui elle en compte plus de quatre mille. Pourtant elle a toujours conservé le même nom ; peu à peu les commerçants s'y sont transportés, et ont formé aux environs une assez grande ville, habitée conjointement par les Chinois et les Tartares. Le principal commerce de l'endroit consiste en bestiaux.

Le grand Lama de la lamaserie est en même temps souverain du pays. C'est lui qui rend la justice, fait les lois et crée les magistrats. Quand il est mort, on va, comme de juste, le chercher dans le Thibet, où il ne manque jamais de se métempsycoser.

Quand nous visitâmes le Kouren des mille Lamas, tout était sens dessus dessous, à cause d'un procès qui s'était élevé

  1. (1) Chun-Tché à cette époque n'avait que quatre ans ; l'anecdote doit donc regarder son père, qui mourut aussitôt après la conquête. — Nous rapportons l'anecdote telle qu'elle nous a été racontée.