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espérances. Aussi ce ne fut, qu'à son cœur défendant qu'il consentit à se séparer de lui pour quelque temps ; il ne lui permit qu'un mois d'absence. Au moment de partir, le disciple se prosterna, suivant l'usage, aux pieds de son maître, et le pria de consulter pour lui le livre des oracles. Après avoir lu quelques feuillets d'un livre thibétain, le vieux Lama lui adressa ces paroles : « Pendant quatorze ans, tu es toujours resté à côté de ton maître comme un fidèle Chabi (disciple), aujourd'hui pour la première fois tu vas t'éloigner de moi. L'avenir me cause une grande tristesse ; souviens-toi donc de revenir à l'époque fixée. Si ton absence se prolonge au-delà d'une lune, ta destinée te condamne à ne jamais remettre le pied dans notre sainte lamaserie. Le jeune disciple partit, bien résolu de suivre de point en point les instructions de son maître.

Dès qu'il fut arrivé dans notre Mission de Si-Wan, M. Gabet prit, pour sujet de ses études mongoles, un résumé historique de la religion chrétienne. Les conférences orales et écrites durèrent près d'un mois. Le jeune Lama, subjugué par la force de la vérité, abjura publiquement le bouddhisme, reçu le nom de Paul, et fut enfin baptisé après un fervent catéchuménat. La prédiction du vieux Lama a eu son entier accomplissement. Paul, depuis sa conversion, n'a jamais remis le pied dans la lamaserie dont il était sorti.

Environ deux mille Lamas habitent la lamaserie de Tchortchi, qui est, dit-on, la lamaserie favorite de l'Empereur ; il l'a comblée de présents et de privilèges. Les Lamas en charge reçoivent tous une pension de la cour de Péking. Ceux qui s'absentent de la lamaserie avec permission,