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ville magnifique, et lui donna cent familles d'esclaves habiles dans l'industrie et les arts de la Chine. De cette manière, en même temps que la jeune Mantchoue conservait l'avantage d'habiter une ville et d'avoir une cour, le prince mongol pouvait aussi, de son côté, jouir de la paix au milieu de la Terre des herbes, et y trouver toutes les délices de cette vie nomade, dans laquelle il avait passé ses premiers jours.

Le roi de Éfe a amené avec lui, dans son petit royaume, un grand nombre de Mongols-Khalkhas, qui habitent, sous des tentes, le pays donné à leur prince. Ces Tartares ont conservé la réputation de force et de vigueur qu'on attribue généralement aux gens de leur nation. Ils sont tenus pour les plus terribles lutteurs de la Mongolie méridionale. Dès leur bas âge, ils s'adonnent aux exercices gymnastiques ; et chaque année, lorsqu'il doit y avoir à Péking quelque lutte publique, ils ne manquent pas de s'y rendre en grand nombre, pour obtenir les prix proposés aux vainqueurs, et soutenir la réputation de leur pays. Quoique de beaucoup supérieurs en force aux Chinois, ils ne laissent pas quelquefois d'être terrassés par leurs adversaires, ordinairement plus agiles, mais surtout plus rusés.

Dans la grande lutte de l'année 1843, un athlète du royaume de Éfe avait mis hors de combat tous ceux qui s'étaient présentés, Tartares ou Chinois. Son corps, de proportions gigantesques, était appuyé sur ses jambes comme sur deux inébranlables colonnes ; ses mains, semblables à des crampons, saisissaient ses antagonistes, les soulevaient et les précipitaient à terre, presque sans effort. Nul n'avait pu tenir devant sa force prodigieuse, et on allait lui assigner