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dix en dix ans on renouvelle les personnes qui composent ces deux établissements, et on envoie de Saint-Pétersbourg de nouveaux religieux et d'autres étudiants. Cette petite caravane est conduite par un officier russe, chargé de la diriger, et de l'installer à son arrivée à Péking, puis de reconduire dans leur patrie les religieux qui ont fini leur temps, et les élèves qui ont terminé leurs études. Depuis Kiaktha jusqu'à Péking, les Russes voyagent aux frais du gouvernement chinois, et sont escortés de poste en poste par des troupes tartares.

M. Timkouski, qui fut chargé en 1820 de conduire à Péking la caravane russe, dit, dans la relation de son voyage, qu'il n'a jamais pu savoir pourquoi les guides leur faisaient prendre une route différente de celle que les ambassades précédentes avaient suivie. Les Tartares nous en ont souvent donné la raison. Ils nous ont dit que c'était une précaution politique du gouvernement chinois, qui ordonnait de faire avancer les Russes par des circuits et des détours, afin qu'ils ne puissent pas d'eux-mêmes reconnaître le chemin. Cette précaution est, sans contredit, bien ridicule ; et elle n'empêcherait certainement pas l'autocrate russe de trouver la route de Péking, s'il lui prenait un jour fantaisie d'aller présenter un cartel au Fils du Ciel.

Cette route de Kiaktha, que nous rencontrâmes dans les déserts de la Tartarie, nous causa une émotion profonde. Voilà, nous disions-nous, un chemin qui va en Europe ! et les souvenirs de la patrie vinrent bientôt nous assaillir. Nous nous rapprochâmes insensiblement ; car nous éprouvions le besoin de parler de la France. Cette conversation avait pour nous tant de charmes, elle remplissait si bien notre cœur,