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herbes enveloppent comme d'un linceul funèbre. L'inégalité du terrain semble dessiner encore la disposition des rues et des monuments principaux. Nous rencontrâmes un jeune berger mongol qui fumait silencieusement sa pipe, assis sur un monticule, pendant que son grand troupeau de chèvres broutait l'herbe sur les remparts et dans les rues désertes. Ce fut en vain que nous lui adressâmes quelques questions. Cette ville, à quelle époque avait-elle été bâtie ? quel peuple l'avait habitée ? quel événement, quelle révolution l'en avait chassé ? C'est ce que nous ne pûmes savoir. Les Tartares appellent cet endroit la Vieille-Ville', mais leur science ne va pas plus loin.

On rencontre souvent dans les déserts de la Mongolie de pareilles traces de grandes villes ; mais tout ce qui se rattache à l'origine de ces monuments antiques est enveloppé de ténèbres. O qu'un semblable spectacle remplit l'âme de tristesse. Les ruines de la Grèce, les superbes décombres qu'on rencontre en Egypte, tout cela est mort, il est vrai, tout cela appartient au passé ; cependant on peut encore se rendre compte de ce qu'on a sous les yeux ; on peut suivre les révolutions nombreuses qui ont bouleversé ce pays. Quand on descend dans la tombe où avait été enterrée vivante la ville d'Herculanum, on ne trouve plus, il est vrai, qu'un gigantesque cadavre ; cependant les souvenirs historiques sont toujours là pour le galvaniser. Mais ces vieilles villes abandonnées qu'on rencontre en Tartarie, il ne s'en est pas conservé le plus léger souvenir ; ce sont des tombeaux sans épitaphe, autour desquels régnent une solitude et un silence que rien ne vient interrompre. Quelquefois seulement les Tartares s'y arrêtent un instant,