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nous cria-t-il d'une voix sombre ; mais le cheval et le mulet.., où sont-ils ? Tout à l'heure ils étaient encore en vue, car je leur avais lié les pieds pour les empêcher de s'égarer... Il faut conclure qu'ils ont été volés... Il n'est jamais bon de camper trop près des Chinois ; est-ce qu'on ne sait pas que les Chinois qui habitent la Tartarie sont des voleurs de chevaux ? — Ces paroles furent pour nous comme un coup de foudre. Cependant ce n'était pas le moment de nous abandonner à de stériles lamentations ; il importait de courir promptement sur les traces des voleurs. Nous nous élançâmes donc chacun sur un chameau, et nous nous précipitâmes, dans une direction opposée, à la recherche de nos animaux, laissant notre tente sous la protection d'Arsalan. Nos investigations ayant été infructueuses, nous prîmes le parti de nous rendre aux tentes des Mongols, et de leur déclarer que nos chevaux avaient été perdus tout près de leur habitation.

D'après les lois tartares, lorsque les animaux d'une caravane se sont égarés, ceux dans le voisinage desquels on a campé sont tenus d'aller à leur recherche, et même d'en donner d'autres à la place, dans le cas où ils ne pourraient les retrouver. Cette loi paraîtra bien étrange, et peu conforme au droit qui régit les peuples européens. On vient camper dans le voisinage d'un Mongol, sans son aveu, sans l'avoir prévenu, sans le connaître, sans en être connu ; les animaux, le bagage, les hommes, tout est sous sa responsabilité ; si quelque chose disparaît, la loi suppose qu'il en est le voleur, ou du moins le complice. Cet usage a peut-être beaucoup contribué à rendre les Mongols si habiles dans l'art de suivre les animaux à la piste. A la seule