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et bien avant dans la nuit, tout l'ennui de ses longues chansons. Il s'arrêta enfin, un instant, pour prendre une tasse de thé ; il l'avala tout d'un trait, et il toussait déjà pour se préparer à recommencer.... Mais nous nous levâmes aussitôt, nous offrîmes au chef de famille notre petite fiole de tabac à priser, et après avoir salué la compagnie nous allâmes retrouver notre tente.

On rencontre souvent dans la Tartarie de ces Toolholos, ou chanteurs ambulants, qui s'en vont, de tente en tente, célébrant partout les personnages et les événements de leur patrie. Ils sont ordinairement pauvres ; un violon et une flûte, suspendus à leur ceinture, sont tout leur avoir : mais ils sont toujours reçus dans les familles mongoles avec affabilité et distinction ; souvent ils y demeurent plusieurs jours, et à leur départ on ne manque jamais de leur donner leur provision de voyage, des fromages, des vessies pleines de vin et des feuilles de thé. Ces poètes chanteurs, qui rappellent nos ménestrels et les rapsodes de la Grèce, sont aussi très-nombreux en Chine ; mais nulle part, peut-être, ils ne sont aussi populaires que dans le Thibet.

Le lendemain de la fête, le soleil venait à peine de se lever, qu'un jeune enfant parut à l'entrée de notre tente ; il portait à la main un petit vase en bois rempli de lait, et à son bras était suspendu un petit panier de joncs grossièrement tressés ; dans ce panier il y avait quelques fromages frais et une tranche de beurre. Bientôt après parut aussi un vieux Lama, suivi d'un Tartare qui avait un sac d'argols chargé sur ses épaules. Nous les invitâmes tous à s'asseoir un instant dans notre tente. Frères de l'occident,