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voudrais ne l'avoir jamais appris, et je repousse toujours son souvenir ; car il fait monter la rougeur au front de tout Tartare, dont le cœur n'a pas encore été vendu à la nation des Kitat. Un jour, que nos grands Lamas connaissent, doit venir, et le sang de nos pères si indignement assassinés, sera enfin vengé. Quand l'homme saint qui doit nous commander sera apparu, chacun de nous se lèvera, et nous marcherons tous à sa suite. Alors nous irons, à la face du soleil, demander aux Kitat compte du sang tartare qu'ils ont répandu dans les ténèbres de leurs maisons. Les Mongols célèbrent chaque année cette fête ; le plus grand nombre n'y voit qu'une cérémonie indifférente ; mais les Pains-de-la-Lune réveillent toujours dans le cœur de quelques-uns le souvenir de la perfidie dont nous avons été la victime, et l'espérance d'une juste vengeance.

Après un instant de silence, le vieillard ajouta : Saints personnages, quoi qu'il en soit, ce jour est véritablement un jour de fête, puisque vous avez daigné descendre dans notre pauvre habitation. Il n'est pas bien d'occuper nos cœurs de tristes pensées... Enfant, dit-il à un jeune homme qui était assis sur le seuil de la porte, si le mouton a suffisamment bouilli, emporte les laitages. Pendant que celui-ci déblayait l'intérieur de la tente, le fils aîné de la famille entra, portant de ses deux mains une petite table oblongue sur laquelle s'élevait un mouton coupé en quatre quartiers, entassés les uns sur les autres. Aussitôt que la table fut placée au milieu des convives, le chef de famille, s'armant du couteau qui était suspendu à sa ceinture, coupa la queue du mouton, la partagea en deux, et nous en offrit à chacun une moitié.