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on a torturé des hommes libres et surtout des chrétiens. L’exception, autrefois réservée aux esclaves, est devenue dans les procès criminels un moyen ordinaire d’instruction, qui peut se répéter indéfiniment[1].

Dès cette époque, il s’est trouvé des écrivains pour attaquer l’emploi des tourments. Déjà Cicéron et Quintilien protestent contre la question, non pas au nom de l’humanité — l’humanité est une vertu que l’antiquité n’a pas connue — mais parce que le témoignage arraché par les supplices est souvent mensonger : les coupables, doués d’une grande force corporelle, résistent aux efforts du bourreau, et retiennent l’aveu qui les perdrait ; les innocents de complexion délicate finissent par mentir et se charger des crimes d’autrui pour échapper au tortionnaire.

Néanmoins, le système fleurit longtemps. L’influence du christianisme ne se fit sentir que faiblement en cette matière : le décret de Gratien se borna à suspendre l’application de la torture pendant les quarante jours du carême.

Cependant la torture disparut au fur et à mesure des progrès accomplis par les Barbares. Là où dominèrent les lois des Francs, elle ne compta plus parmi les preuves ordinaires de la procédure ; tout au plus la trouve-t-on mentionnée exceptionnellement, comme la question de Riculfe dans Grégoire de Tours[2], ou comme les tourments infligés aux sorciers sous les Mérovingiens et sous Charlemagne.

Il est vrai que la raison et l’humanité n’y gagnèrent pas grand’chose : les ordalies et le combat judiciaire sont aussi atroces et peut-être plus absurdes que la torture.

Au XIIe siècle, un des assassins de Charles le Bon est torturé à Térouanne, parce qu’il refuse de dénoncer ses complices[3] Le chroniqueur Galbert rapporte le fait sans marquer de surprise. Toutefois les écrivains de cette époque citent rarement des exemples de mise à la question.

Il en fut autrement, quant à la procédure accusatoire succéda la procédure

  1. Valère Maxime [L. VI, 8, I] cite un cas de torture répétée jusqu’à huit fois.
  2. L. V, 49.
  3. En 1127. Voir Galbert, De multro, traditione et occisione gloriosi Karoli comitis Flandriarum, § 39 [Éd. Pirenne, p. 64]. Galbert cite, pour l’année suivante, 1128, un exemple d’ordalie [§ 105], et l’exécution par le feu d’une sorcière, sans torture préalable [§ 110].