Page:Huard - Labrador et Anticosti, 1897.djvu/462

Cette page a été validée par deux contributeurs.
444
LABRADOR ET ANTICOSTI

Tout cela ne serait que de la fantaisie de haute marque. L’histoire de ce mot Romaine est beaucoup plus simple. — En 1807, Jos. Bouchette, « député » arpenteur général, parle de la rivière Oromaine ou Basse-Romaine. En 1841, Sam. Robertson, dans une conférence qu’il fit devant la Société historique de Québec, mentionne la rivière Oroman. En 1744, c’est la carte de Bellin qui indique la rivière d’eau Romane. En 1488… mais il n’est sans doute pas nécessaire de remonter jusqu’aux Croisades pour tirer l’affaire au clair, puisque déjà nous avons les éléments de la solution cherchée. L’Oroman (ou l’eau romane), l’Oromaine, la Romaine : voilà les déformations qu’a subies le mot à travers les années. Eh bien, en montagnais, il y a le mot orumen (d’après le feu juge F.-H. O’Brien[1]) ou bien olumenne (suivant Mgr Bossé[2]), qui signifie peinture, terre rouge, ocre rouge, dont il y a en effet des dépôts auprès de ces rivières. Il suit de là, à n’en pouvoir douter, que ce nom de Romaine est simplement d’origine montagnaise. — Il est bien sûr que, dans quelques siècles, lorsque la langue des Montagnais sera totalement oubliée, on ne saurait plus découvrir la provenance du mot qui nous occupe. Aussi, dans l’intérêt de la science historique et pour empêcher qu’un jour on ne s’égare à ce propos en des déductions plus ou moins romanesques, n’ai-je pas hésité à pâlir, autant qu’il l’a fallu, sur les mappes, les livres, les journaux, les manuscrits…

À la Romaine, il n’y avait qu’une famille à l’époque où l’abbé Ferland parcourut ce pays. Il serait sans doute facile, en remontant encore plus loin, de trouver un temps où personne n’y résidait. Mais à présent il y a là un village qui compte bien une douzaine de maisons assez proprettes. C’est le hameau le plus considérable que l’on rencontre depuis Natashquan, qui est distant de vingt lieues.

La population de la Romaine était, en 1895, de douze familles catholiques, comptant 55 personnes, dont 35 communiants.

  1. Écho des Laurentides, 20 mars 1885.
  2. Archives de la Préfecture.