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LABRADOR ET ANTICOSTI

Cette partie de la Côte est boisée. Il s’y trouve du bois de construction de grosseur moyenne : par exemple, il n’est pas facile de le sortir de la forêt, puisqu’il n’y a pas de chemins et que l’on ne possède pas de chevaux.

Cette forêt de petits arbres règne jusqu’à quelques milles en arrière de Goynish. Ensuite commencent ces plaines marécageuses de l’intérieur, qui s’étendent à perte de vue, parsemées de lacs sans nombre. Seuls les sauvages parcourent ces vastes solitudes ; et je crois vraiment que la plupart de mes lecteurs et moi pouvons dire que s’il n’y a que nous pour mettre en péril leur paisible et exclusive possession de ce domaine, ils peuvent bannir absolument toute inquiétude. Il ne nous en coûtera sans doute pas beaucoup de renoncer solennellement au privilège que, à titre de citoyens du Canada, nous avons d’aller en ces territoires tendre des pièges à l’industrieux castor ou poursuivre l’agile caribou…

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Quelque intéressant que fût le séjour de Goynish, quelque cordiale que fût l’hospitalité dont nous y jouissions, le programme du voyage indiquait Natashquan comme le terme à atteindre ce jour même. Il est bien permis, par une heureuse exception, d’exécuter quelquefois un programme ! Aussi, après avoir passé cinq ou six heures seulement à Goynish, nous montâmes, vers 1½ heure de l’après-midi, sur une grande barge qui devait nous conduire à destination. Tous les habitants de Goynish vinrent assister au départ de leur évêque et recevoir encore une fois sa bénédiction. Plusieurs salves de mousqueterie exprimèrent, dans un langage de forte concision, la reconnaissance et les bons souhaits de ces braves gens.

La température était vraiment délicieuse, et ce trajet d’environ quatre lieues fut charmant. Plusieurs barges, remplies de graves passagers, ainsi que de passagères au babil et au rire faciles, naviguaient avec nous. Tantôt d’une embarcation, tantôt de l’autre, on entonnait un pieux cantique ou quelque gaie chan-