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BETSIAMIS

Arnaud de donner cette destination à la cloche de l’Anse-à-l’Eau, et le Père envoya des sauvages à Tadoussac, avec instruction d’en rapporter cette cloche, leur confiant en même temps le document qui autorisait cette translation. Mais l’affaire ne marcha pas comme l’entendait le missionnaire. Il y avait alors à Tadoussac un individu qui jouait, plus ou moins constitutionnellement, le rôle de marguillier, et dont le jugement ne paraît pas avoir été à la hauteur de la position qu’il occupait : c’est là un accident dont il y a d’autres exemples dans l’histoire. En tout cas, je fais grâce à sa mémoire, et je ne livrerai au souvenir du genre humain ni son nom ni certains de ses hauts faits trop étrangers à mon sujet. Mais je ne puis céler ici que ce personnage s’opposa de toutes ses forces à ce que le dessein du P. Arnaud fût mis à exécution ; lui et d’autres dont il avait chauffé les esprits, firent si bien que la cloche, déjà entre les mains des sauvages et près d’être déposée dans leur canot, leur fut à la fin enlevée. « Les Pères veulent voler la cloche de l’Anse-à-l’Eau ! » s’écriait-on. Voilà, à n’en pas douter, l’origine de la légende recueillie, au courant de la renommée, par mes amis les auteurs canadiens que je combats en ce point.

Plus tard, lorsqu’il y avait déjà un curé à Tadoussac, le P. Arnaud, désirant fournir de tout ce qu’il fallait les chapelles des Bergeronnes, des Escoumins, de Mille-Vaches, pria l’archevêque de Québec de lui donner des ornements pour cette fin. Le prélat dit au Père de s’en faire remettre par M. l’abbé Edm. Langevin, son secrétaire. Au jour fixé par celui-ci, le Père Arnaud revint au secrétariat de l’archevêché pour recevoir les ornements d’église qu’on lui avait promis. « Mon Père, lui dit le secrétaire, vous aurez les ornements que vous désirez quand vous aurez restitué ceux que vous avez enlevés à Tadoussac… — Vous voulez plaisanter ! — Non, mon Père, je parle sérieusement. — On vous a trompé, monsieur le secrétaire. Nous avons si peu dépouillé la chapelle de Tadoussac, que, après l’avoir trouvée dépourvue de tout[1] quand nous avons pris charge de ce pays,

  1. « À Tadoussac, je n’ai jamais vu que les trois ornements et le linge d’autel