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LABRADOR ET ANTICOSTI

On se rendit processionnellement du rivage au presbytère.

Une compagnie de miliciens ouvrait la marche, avec fanfare ! Cette fanfare, c’était plutôt un orchestre de violons et clarinettes, avec tambour : musique très pittoresque dont je dirais volontiers qu’elle me ravit, si je ne craignais de perdre l’estime des quelques amis que j’ai le plaisir de posséder parmi les artistes. Car MM. les artistes, cela soit dit entre nous, n’entendent pas que l’on éprouve la moindre jouissance musicale, si… Mais laissons là ce sujet, pour ne nous brouiller avec personne.

Ce petit bataillon de guerriers, qui nous rendit les honneurs militaires, se compose d’une trentaine d’hommes, revêtus d’un costume spécial. Il fut organisé par Mgr F.-X. Bossé, Préfet apostolique du golfe Saint-Laurent. Il suffit de connaître l’origine de cette compagnie, pour que l’on rejette à l’instant toute idée d’offensive ou de défensive qu’elle pourrait suggérer. Cette troupe, bien que armée de longs fusils, est donc tout à fait pacifique, et n’a pas d’autre fin que de donner de l’éclat aux solennités religieuses ou civiques. À la tête du bataillon est un brave homme de capitaine qui commande les mouvements de marche ou de fusillade. Les ordres du chef se donnent tantôt en anglais, tantôt en français ; et la troupe mise en mouvement au cri de « Marche ! » s’arrêtera au commandement « Stop ! » Voilà, si je ne me trompe, un moyen bien original d’assurer la concorde entre les deux races qui habitent notre pays, quoique, à vrai dire, la race française soit la seule que l’on trouve à la Pointe-aux-Esquimaux.

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Malgré les fatigues de cette journée, Monseigneur voulut faire en arrivant l’entrée solennelle à l’église, afin de profiter de la présence de la population qui était là réunie au grand complet. Sa Grandeur ouvrit même les exercices de la mission qu’elle allait leur donner, comme Elle avait fait dans les autres postes, et prononça tout de suite la première instruction de la retraite.