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LABRADOR ET ANTICOSTI

temps de La Fontaine, le juge avalait le mollusque, pour le prix bien légitime de ses lumières ; aujourd’hui, ce sont les avocats qui, non moins légitimement, retirent profit de la machine judiciaire. Le procès de Mingan dut leur être une mine d’or propre à les dédommager un peu des sacrifices que leur coûte souvent la sollicitude qu’ils mettent au service des veuves et des orphelins. Quant aux plaideurs, chacun prit volontiers l’écaille qui lui fut adjugée : la seigneurie de Mingan fut reconnue propriétaire de la Côte Nord depuis Les Cormorans jusqu’à la rivière Goynish, à l’est ; et le gouvernement de Québec eut tout le reste, c’est-à-dire le territoire qui s’étend depuis la rivière Goynish jusqu’au Blanc-Sablon. Voilà des écailles telles que beaucoup de gens seraient heureux d’en posséder seulement la moitié ou le quart.

Cette cause de Sa Majesté vs les seigneurs de Mingan est l’une des plus importantes dont les tribunaux canadiens aient jamais eu à s’occuper, puisque, d’après la Couronne, le territoire qui était en litige comprend une superficie d’environ 2400 milles et que sa valeur est d’une dizaine de millions de piastres. Les défendeurs prétendaient que le domaine dont ils revendiquaient la propriété, avait été concédé à François Bissot de la Rivière par la Compagnie de la Nouvelle-France, le 25 février 1661. En septembre 1888, l’honorable juge A.-B. Routhier, qui présidait alors la cour supérieure du district de Saguenay, décida la cause dans le sens que j’ai indiqué, par un jugement[1] fort savamment élaboré, qui fut ensuite confirmé par le Conseil privé d’Angleterre.

Aujourd’hui l’agence, pour le Labrador, de la seigneurie de Mingan, se trouve à Saint-Jean.

Vendredi, 12 juillet. — À cinq heures, ce matin, les hommes du yacht et les jeunes Malouin, qui avaient passé la nuit à bord « mollement bercés par le caprice des flots », s’entendent héler du rivage ; ils se jettent à l’instant dans les canots et

  1. Rapports judiciaires de Québec, vol. XV, p. 354.