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LABRADOR ET ANTICOSTI

double ou triple de celui-là. Mais enfin, la géographie a dit : 340 milles ; il n’y a plus qu’à se soumettre.

Il paraît que le vrai nom de la baie des Anglais serait : baie de la Loutre. Cela m’est bien égal ; mais, en tout cas, cette dénomination n’est jamais usitée, et c’est bien là le sort le plus fâcheux qui puisse échoir à un nom quelconque. Je dois ajouter que je n’ai pu savoir pour quelle raison cette baie, English Bay, comme disent les cartes, a cette allure britannique[1]. Ce qui est certain, c’est qu’il y a là une baie, qui ne s’enfonce pas bien loin dans les terres, il est vrai ; mais il ne faut pas se montrer difficile, sur cette grande île où les ports de refuge sont si rares, et la baie des Anglais offre aux petits navires un havre très appréciable, qui s’étend depuis la Pointe-Ouest jusqu’à la Pointe-aux-Anglais, du côté de l’est.

Nous logeons ici chez M. W.-Jean Girard, dont l’hospitalière maison est la résidence du missionnaire qui vient tous les quinze jours donner ici les offices religieux. Quand M. Girard arriva pour s’établir en cet endroit, vers 1873, il n’y avait encore que sept familles, dont la pêche était l’occupation, et qui s’y étaient fixées depuis moins de dix années.

En ce temps-là, l’île d’Anticosti appartenait à la Compagnie Forsyth, dont les extravagances resteront longtemps fameuses : on commit l’erreur de commencer par la fin l’exploitation en grand de l’île, et l’insuccès fut complet. Sous ce régime, la population de la Baie-des-Anglais atteignit le nombre de quatorze familles.

En 1884, l’île fut vendue par autorité de justice et achetée au prix de $107, 000 par un M. Stockwell, d’Angleterre. La Compagnie des MM. Collas, de la Gaspésie, vint à cette époque faire un établissement de pêche, et l’on compta jusqu’à quarante familles résidant ici, dans cet âge d’or. Mais cette brillante période fut de bien courte durée, et cela tint à plusieurs causes.

  1. M. Faucher de Saint-Maurice (De tribord à bâbord, p. 120) est porté à croire que ce fut à cet endroit de la côte de l’île d’Anticosti que le capt. Rainsford, commandant l’une des frégates de l’amiral Phipps, fit naufrage, en 1690, en revenant de l’expédition contre Québec.